Yixing | DemysTEAfication
Affichage des articles dont le libellé est Yixing. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Yixing. Afficher tous les articles

8 novembre 2015

Yixing Pottery. The World of Chinese Tea Culture

céramique chinoise

L'ouvrage Yixing Pottery. The World of Chinese Tea Culture, de Chunfang Pan est publié aux éditions Long River Press à San Francisco. Il s'agit d'un ouvrage publié à l'origine en chinois et traduit en anglais. De prime abord, suivant sa table des matières, l'ouvrage semble vouloir être un petit guide de la poterie de Yixing, abondamment illustré, retraçant l'historique de ce type de céramique et abordant quelques points techniques pour mieux expliquer ce qui caractérise les différentes céramiques de Yixing.

J'ai bien dit " semble se vouloir ", car bien que l'ouvrage ne fasse que 80 pages, il est plus proche d'un ouvrage d'érudition sur les maîtres contemporains de Yixing que d'un livret pouvant servir de base sur la céramique de Yixing.

Chen Mansheng teapots
Théières fabriquées par Chen Mansheng. Croquis © Shanghai People's Fine Arts Publishing House / Long River Press

Sommaire détaillé

Introduction

1. La poterie de Yixing : Origine et Développement

2. Le moine du temple Jinsha et la théière "Gongchun"

3. La céramique de Yixing durant les dynasties Ming et Qing

4. Les artistes de théières fameux

5. La céramique Zisha en Chine et à l'étranger : Prospérité et déclin

6. Les maîtres de la céramique Zisha

Ren Ganting (1889-1968)
Pei Shimin (1892-1979)
Wu Yungen (1892-1969)
Wang Yinchun (1897-1977)
Zhu Kexin (1904-1986)
Gu Jingzhou (1915-1996)
Jiang Rong (1919 - ...)

7. Les " artistes industriels avancés "

Xu Hantang (1933-...)
Xu Xiutang ( 1937-...)
Tan Quanhai (1937-...)
Lu Raochen (1940-...)
Wang Yinxian (1943-...)
He Daohong (1943-...)
Bao Zhiqiang (1946-...)

8. Les " Huit célèbres artistes industriels de la province du Jiangsu "

Li Canghong (1937-...)
Xu Chengquan (1939-...)
Wu Zhen (1941-...)
Xie Manlun (1942-...)
Zhou Guizhen (1943-...)
Bao Zhongmei (1944-...)
Gu Shaopei (1945-...)
Pan Chiping (1945-...)

9. Caractéristiques de l'argile pourpre

10. Usages et formes

11. Méthodes de décoration

Le changement de texture
Les lignes

12. Sculpture et peinture

Peinture
Impression et collage
Glaçure
Mosaïque
Gravure

13. L'appréciation et la collection des céramiques Zisha

La forme
L'argile
La cuisson
L'habileté de l'artisan
La décoration
L'utilité

Table chronologique des dynasties chinoises


Néanmoins, cet ouvrage fourni bon nombre de données intéressantes, et qui viennent contredire bon nombre d'histoires racontées jusqu'il y a encore peu, quand les vendeurs étaient presque la seule source accessible sur la céramique de Yixing.

Cela commence avec les bases historiques, et rappelle que Yixing est une aire de production de céramique depuis le XIème siècle avant J.C. et que l'industrie de la céramique a été continue dans cette zone depuis cette période ... On y a produit d'abord des pièces d'apparat avec couverte céladon ( donc des produits de grande taille ) puis par la suite des céramiques pour des usages de tous les jours.

théière en zisha époque ming
Les types de théières en Zisha trouvées lors de fouilles archéologiques. Schémas © Shanghai People's Fine Arts Publishing House / Long River Press

En ce qui concerne la production de théières, rapportée à d'autres sources comme les collections du Flagstaff House Museum Of Tea Ware, on constate que les formes sont assez limitées. De plus, les volumes sont assez conséquents par rapport à nos théières modernes, avec des théières d'une contenance de plus d'un litre à une contenance de 400 - 600 ml, et il faut attendre la fin de la dynastie Ming pour voir des théières plus petites de 80 - 200 ml, celles-ci semblant être l'exception

Ainsi, pendant près de trois millénaires, Yixing est une aire de forte production de céramiques et les périodes Ming et Qing sont les périodes les plus prospères pour la céramique de Yixing, les céramiques de Yixing étant en outre aussi produites pour l’exportation et introduites en Europe à partir de 1635. Rappelons également que la collection dont est issu cet ouvrage vise avant tout à promouvoir les arts traditionnels de la Chine en suscitant des vocations de collectionneurs. Pourtant, le " problème " de la " terre épuisée " n'est pas abordé alors que cela constituerait un intérêt majeur pour instituer un instinct de collection en introduisant l'aspect de rareté. Ainsi, ces renseignements, s'ils semblent anodins, mettent sérieusement à mal le mythe de la " terre épuisée ", porté par quelques vendeurs occidentaux ou vendant en premier lieu à des occidentaux.

factory 1
Photographie illustrant le contre-plat et la garde volante de l'ouvrage, illustration de ce que pouvait être un atelier-usine d’État du type de la fameuse "Factory 1 ". Photographie © Shanghai People's Fine Arts Publishing House / Long River Press

Il en va de même pour la multiplication des types de terre que l'on peut rencontrer depuis moins d'une décennie chez les vendeurs de théières de Yixing. L'ouvrage est très clair à ce sujet : il y a trois sortes d'argile de type Zisha : l'argile pourpre, l'argile rouge et l'argile verte. A ces trois types, se rajoute l'argile vermillon, le Zhuni donc.

L'argile pourpre devient généralement rouge-brun ou brun foncé à la cuisson. A cette terre, l'artisan peut ajouter du fer ou de l'argile vermillon pour varier les effets de couleur. L'argile rouge, quand à elle, devient vermillon après cuisson ( caractéristique d'où, visiblement, nait le fait que bon nombre de vendeurs tentent de faire passer cette argile rouge pour du Zhuni ). La contraction de l'argile rouge est élevée, tout comme l'argile vermillon, contrairement à l'argile pourpre qui ne produit qu'un retrait de 10% à la cuisson. L'argile verte devient blanc cassé après cuisson et apparait en petites quantités, d'où son utilisation surtout pour la décoration.

théières par Chen Mansheng
Théières fabriquées par Chen Mansheng. Croquis © Shanghai People's Fine Arts Publishing House / Long River Press

20 novembre 2014

Choisir une théière de Yixing : les pièges faciles à éviter

théière en terre de Yixing pour gongfucha ou gong fu cha

Le néophyte confronté à l'achat de sa première théière de Yixing est souvent taraudé par la même question : " Est-ce que ce que j'envisage d'acheter est de bonne qualité ou non ? " Il est à la fois difficile et facile de répondre à cette question car elle se rattache à la question " Suis-je en train de me faire avoir ou pas ? " ... 

... difficile car à partir d'un certain niveau de prix, la qualité de l'exécution fait que l'on rentre dans un monde "d'experts" et que les questions tournent alors plutôt sur le type de terre utilisée, si c'est bien la terre mentionnée qui est effectivement utilisée, sur le fait que l'objet ait été réalisé entièrement à la main ou non et enfin s'il s'agit bien d'une antiquité ou non ... ce ne sera pas le sujet de ce post qui sera déjà bien assez long comme cela ...

... facile en même temps, car il est aisé d'éviter les pièges les plus grossiers, à condition de faire montre de deux sous de jugeote, ce qui permettra d'éliminer un nombre incalculable de théières dites " de Yixing " très bas de gamme ou de fausses théières " de Yixing " ...

Entendons-nous tout de suite, il ne s'agit pas uniquement d'une question de prix ... cela veut dire que l'on trouvera facilement des choses innommables à des tarifs extrêmement élevés. Cela veut aussi dire que l'on peut trouver des théières tout à fait acceptables à des prix raisonnables voire modiques ... encore faut-il avoir ouvert un minimum les yeux et prendre le temps de réfléchir deux secondes ... par "acceptables", je veux désigner des théières qui pourront être utilisées sans poser de problèmes en terme de manipulation et qui ne soulèvent pas de questions plus épineuses ...

En premier lieu, il est une question absolument nécessaire qu'il est essentiel de se poser : " Quel thé vais-je y infuser ?  " ... car si une théière de Yixing doit être "idéalement" destinée à l'infusion d'une unique famille de thé - même si cela est peut être discutable, mais c'est un autre sujet - encore faut-il savoir quelle famille de thé y infuser ... et autant être franc, inutile de dépenser des fortunes en théières pour y infuser du Puerh Shu ... par contre, cela sera peut être plus intéressant pour un Wulong de qualité ou un Puerh Sheng ...

Laissez moi tout d'abord vous présenter une de mes premières théières justement achetée, après une longue hésitation et moult réflexion, car peu onéreuse, c'est-à-dire à peu près 40 €, frais de port inclus depuis l'autre bout de la planète ...

théière pour gongfucha

Il s'agit d'une théière de Yixing de forme Xishi. Elle n'a rien d'exceptionnel, elle ne transforme pas le thé médiocre en grand cru rare, elle n'est pas l’œuvre d'un grand maître ... elle fait avant tout son travail, comme le ferait un gaiwan ou un zhong en porcelaine, même si je trouve qu'elle a tendance à lisser les arômes de cave humide ... quoi qu'il en soit, pour y préparer des Puerh Shu, c'est bien suffisant ... ce qui fait que son seul vrai avantage est d'être, point commun de toutes les théières, pratique d'usage, et seulement cela.

---------------------------------------------------

Cependant, même à ce prix elle est exempte de nombreux défauts de fabrication qu'il est facile d'éviter ... signes d'une qualité médiocre que je vais maintenant détailler ci-dessous ...

  • Les traces de moulage

Tout d'abord, cette dernière théière est exempte de traces de moulage visibles, ce qui signifie, alors qu'elle sort bien évidemment d'un moule, qu'il s'agit sans aucun doute d'une production en série et qu'elle n'a donc pas été réalisée " entièrement à la main ", qu'un certain soin lui a tout de même été apporté pour y gommer les traces les plus perceptibles de ce moulage ...

Les traces de moulage se trouvent généralement sur le milieu du corps, cette partie de la théière étant le plus souvent moulée en deux parties. Outre la partie soulignée en rouge ci-dessous, la plus difficile à voir, un œil attentif verra comme un accroc sur le bec ... c'est un autre signe de moulage, plus visible celui-ci ...

gongfucha
Photographie © Jiangtea Ltd
gongfucha
Photographie © Jiangtea Ltd

Détail insignifiant me direz-vous ? Pas vraiment ... c'est ici qu'entrent en ligne de compte les processus de fabrication ... car si aucun soin particulier n'est apporté à un objet de la sorte lors de sa fabrication, c'est que l'ouvrier ( car on ne peut plus parler d'artisan ici ) est pressé de produire, étant sans aucun doute payé à façon, c'est-à-dire à la pièce, et n'allant donc pas perdre de l'argent en fignolant plus que nécessaire un produit conçu dès l'origine comme bas de gamme puisque confié à une personne peu qualifiée ... et si l'ouvrier est peu payé pour produire un objet à la chaine, il y a fort à parier que l'entrepreneur qui commande ce type de théière ne sera pas près à payer non plus pour une terre de qualité acceptable ... dès lors, autant infuser son thé dans un pot de fleur, le résultat sera le même et l'objet se trouve facilement dans toute bonne jardinerie pour 4 ou 5 euros ...

On mettra dans cette même catégorie le soin apporté au travail sur la jonction entre le bec et le corps de la théière ainsi qu'au soin pour la jonction entre le bec et le corps de la théière .. ou encore la finesse de l'anse, le soin apporté au bouton, etc, bref, à toutes les finitions qui donnent une ligne harmonieuse à une théière ...

  • L'alignement bancal

En deuxième lieu, vient un autre problème révélateur d'une fabrication à la chaine peu soucieuse de la qualité du résultat final, à savoir un mauvais alignement, déjà un peu plus dur à voir ... A première vue, la théière ci-dessous n'a aucun problème, elle ne semble pas avoir de défaut et parait toute simple ...

gong fu cha
Photographie © Ebay Inc

Pourtant, elle a aussi un problème, issu d'un processus de fabrication bâclé. Une fois le corps assemblé, le potier vient y fixer l'anse et met en place le bec. Si le potier n'est pas assez adroit, si le séchage est insuffisant ou si la cuisson est mal maîtrisée, il va se produire un petit défaut d'alignement, comme on peut rapidement s'en rendre compte ci-dessous.

gongfucha
Photographie © Ebay Inc

Ainsi, en traçant une droite partant du milieu de l'anse et passant par le milieu du bouton du couvercle, on doit plus ou moins tomber au milieu du bec ... et cela même si la théière a été entièrement moulée ... donc, là encore, ce défaut est majoritairement le révélateur d'une fabrication à la chaine par un ouvrier peu doué  ou peu  intéressé par sa tâche ... même si ce dernier défaut peut encore passer à condition de ne pas être trop marqué ...

  • Le filtre raté

La facture du filtre est aussi un élément très éclairant sur le niveau de qualité de la théière. Je n'aborderai pas ici les différents types de filtres, ce sera fait dans un article consacré. On notera cependant qu'après la mode des filtres dits " balle de golf ", c'est désormais les filtres à trou unique qui sont en passe de devenir à la mode car plus faciles à réaliser ... par contre, je soulignerai ici des différences révélatrices, en particulier sur les filtres " balle de golf "...

terre de yixing

La photographie devrait se passer de commentaire mais on peut faire les remarques suivantes : A gauche, il s'agit du filtre de la théière réservée au Puerh Shu déjà présentée ci-dessus ... à droite, une théière valant près du double, soit à peu près 70 € à l'époque de son achat. Les filtres balles de golf sont toujours réalisés sur gabarit, mais la régularité des trous et la finition générale de ce type de filtre est essentielle, notamment pour une bonne verse ... si le filtre à peu de trous, si les trous se rejoignent partiellement, si le filtre est en partie cassé, cela est révélateur d'un manque de soin ... comme la fabrication de ce type de filtres est chronophage, plus une théière sera bas de gamme moins elle aura un filtre soigné ...

yixing copie ou faux
Photographie © Ebay Inc

A contrario, le fait que le couvercle s'adapte parfaitement et soit donc " étanche " n'est en aucun cas un signe de qualité ... c'est juste le signe qu'un gabarit a été utilisé ou que l'ouverture et le couvercle ont été moulés ... Une excellente théière que je possède a ainsi un couvercle qui se balade largement et qui fuit légèrement suivant la position dans laquelle on tourne le-dit couvercle ... elle aurait été fabriquée vers la fin des années 80 par un sous-traitant de la fameuse "Usine n° 1" selon des critères de qualité un peu plus "lâches" mais fait bien son travail et est faite dans une excellente terre :

gongfucha

Tous les points énumérés ci-dessus ne sont pas graves en eux-mêmes, ils n'empêchent pas d'utiliser la théière, ni ne mettent l'utilisateur en danger. Il sont justes révélateur d'une production de série et plus ces défauts s'accumulent sur une même théière, plus ils sont le signe d'une mauvaise qualité de terre. Ainsi, plutôt que d'acquérir ce genre d'article, on économisera quelques sous supplémentaires pour acquérir une théière de milieu de gamme, qui ne coûtera pas beaucoup plus cher, mais qui sera largement meilleure. Sinon, si l'envie de se lancer dans l'achat d'une théière n'est pas prédominante car la théière à avant tout un aspect pratique, l'achat d'un Gaiwan en porcelaine de facture simple offrira toujours un meilleur résultat qu'une théière de Yixing douteuse et sera également moins cher.

---------------------------------------------------

Rentrons maintenant dans les défauts rédhibitoires ... là encore, je serai clair, à mon sens, la présence d'un seul d'entre eux est le signe que l'achat ne doit absolument pas se faire ...

  • La fausse terre de Yixing ou comment faire passer de la terre à pot de fleurs pour de la terre de Yixing :

La terre de Yixing n'est naturellement pas la seule argile dans laquelle on peut faire des théières valables, loin s'en faut, mais c'est certainement le style de théières le plus copié, à cause de l'engouement suscité par cet objet chez les buveurs de thé en général et chinois en particulier. De plus, de longue date en Chine, une personne instruite et de qualité se doit de posséder et d'étudier des objets du passé, qui plus est si elle a de l'argent ... les anciennes théières de Yixing étant de ces objets à contempler ... le tout explique finalement la flambée des prix de ces théières, simplement par la hausse du nombre de chinois pouvant se payer de tels objets ...

Naturellement, tout ce qui est cher et prisé par les collectionneurs est copié ... Mais les faux grossiers sont assez faciles à repérer, parce qu'ils ne sont pas destinés à des collectionneurs éclairés, mais à des personnes qui n'y connaissent rien, pensant que tous les produits se valent, et cherchent avant tout " une bonne affaire " ...

gongfucha
Photographie © Ebay Inc

gong fu cha
Photographie © Ebay Inc

La terre, qui n'est pas une terre de Yixing, est donc littéralement camouflée sous une couverte légère qui vise à cacher une couleur trop pâle et une texture trop lisse. La plupart du temps, ce type de camouflage ne tient pas devant un examen simple qui consiste à soulever le couvercle et à regarder l'intérieur ou à la retourner et chercher les points de frottement où la couverte ne peut se fixer, comme les endroits où la théière est posée lors de sa cuisson, notamment le dessous. La couverte est parfois même si mal posée, qu'il est difficile de passer à côté d'un travail aussi bâclé.

gongfucha
Photographie © Ebay Inc
gongfucha
Photographie © Ebay Inc

Pour l'anecdote, les deux exemples ci-dessus sont également pourvus de rehauts de couleurs douteux qui semblent être des décalcomanies / transferts. Ces théières semblent également avoir été artificiellement vieillies par une application de vieille huile ( au choix, vieille huile de friture rance, huile de vidange usagée, goudron liquide, ... tant que c'est sombre, graisseux et que cela laisse une teinte sombre après le passage d'un chiffon pour enlever le surplus, c'est utilisable ... de toute façon, pour le goût dans votre tasse, le vendeur n'est plus concerné ... ) qui donne cette patine un peu sombre, comme si la théière avait connu de nombreuses infusions sur une longue période ( raison pour laquelle il s'agit aussi d'une technique répandue chez les faussaires vendant de fausses céramiques "antiques" ).

Il existe aussi des fausses théières de Yixing, comme celle ci-dessous, réalisées dans une terre médiocre qui va légèrement se vitrifier un peu plus à l'extérieur qu'à l'intérieur lors de la cuisson car la terre utilisée n'est clairement pas adaptée à la réalisation de céramiques, du moins pas de telles céramiques ... puisque c'est réellement de la terre à pots de fleurs ... Il arrive fréquemment qu'une telle théière se craquelle à certains endroits lors de l'utilisation car l'extérieur est plus vitrifié, donc plus rigide, que l'intérieur qui est resté un peu plus "mou" ... cette différence engendre les craquelures du fait de réactivités différentes lors des dilatations et des contractions. La théière semble alors percée ou fissurée de part en part, mais il n'en est rien car la fine couche extérieure est seule touchée.

mauvaise terre de yixing

  • La teinte dans la masse ou comment faire passer de la terre courante pour de la terre Zhuni :
  
Certains modèles, avec une teinte dans la masse, donc où l'on a teinté la totalité de la terre utilisée et non plus seulement sa surface, sont plus difficile à détecter pour celui qui n'a jamais vu une vraie théière de Yixing. Difficulté supplémentaire, les théières bas de gamme fabriquées réellement à Yixing en grande série utilisent également ce type de terre.

gongfucha
Photographie © Jiangtea Ltd

La terre est ici entièrement teintée artificiellement. C'est le type de modèle de théière de Yixing bas de gamme le plus difficile à détecter sans expérience. On pourra cependant se fier à des détails techniques, comme l'anse grossièrement exécutée et sans aucune finesse ... un bon indice également est généralement le rehaut en couleur de la gravure, pour rendre la théière plus attractive, et sur lequel nous reviendrons par la suite.

Toutes les teintes dans la masse ne sont cependant pas mauvaises et toutes les théières de couleur entièrement teintées dans la masse ne sont pas synonyme de mauvaise qualité, à condition que la mise en couleur se fasse avec une argile qui soit d'une qualité suffisante. L'emploi de la couleur sert alors à créer un effet artistique, sans se faire au détriment de la qualité et n'est pas un moyen de masquer la médiocrité.

terre de yixing colorée

Ici, l'emploi de la couleur répond à certains critères : teinte complète ou ajout de morceaux de décors entièrement teintés sur une théière d'une autre teinte. Pour l’achat de ce dernier type de théière, il vaut mieux avoir le modèle dans la main pour juger de la qualité de la terre, car l'inspection d'une photographie ne suffira généralement pas ... et ne pas oublier que plus il y a de couleurs, plus il faut ouvrir l’œil.

théière pour gong fu cha
Photographie © Ebay Inc

Par exemple, pour les théières présentant un "damassage" de mêmes terres teintées dans la masse par différents oxydes, un motif très semblable doit pouvoir se retrouver tant sur la paroi interne de la théière que sur la paroi externe, comme on peut le voir ici sur le couvercle.
 
  • Le rehaut de couleur :

Une fine gravure avec un beau motif ou une belle calligraphie est sans conteste un élément apportant un charme supplémentaire, même lorsqu’il s'agit seulement de "gravures" réalisées par empreintes de tampons. Mais cela peut également constituer un problème potentiel quand des couleurs artificielles sont employées ...

gong fu cha

gongfucha

Une gravure est normalement de la même couleur que la terre, quelle que soit cette terre, comme sur les exemples ci-dessus, pour les cuissons à "faible" température. Pour les cuissons à une température plus élevée, les gravures ressortent plus claires car la vitrification est plus importante. Le fait de graver cette surface va donc "casser" cette vitrification et la lumière va se refléter différemment ... en règle générale, si l'on passe de l'eau sur cette gravure, l'effet de blancheur va s'estomper et retrouver une certaine unité de couleur proche de celle du reste du corps de la théière. Si la couleur ne change pas, c'est qu'il s'agit d'une couleur appliquée ... naturellement, la plupart du temps, impossible de s'en rendre compte tant qu'on n'a pas mouillé la-dite gravure, ce qui complique les achats sur le net ...

Gong Fu Cha thé et céramique

Si une couleur est utilisée, voire deux, c'est qu'elles sont artificielles, dans l'immense majorité au sens négatif du terme car il est rare que cela soit un vrai émail posé après gravure et recuit ...

Après gravure, un ouvrier est alors payé pour passer un ou deux coups de pinceaux et d'encres indélébiles ... on voit même des théières où l'ouvrier n'a pas pris la peine d'essuyer les bavures ou les taches de manipulation faites avec des doigts pleins d'encre, et d'autres où l'encrage ne tient pas ... Même si la couleur la plus fréquemment utilisée est le noir, les marqueurs indélébiles de toutes couleurs sont également souvent employés ... et pour ce qui est du prix, cette technique ne le renchérit même pas vu les bas coûts de main d’œuvre et le prix dérisoire des fournitures nécessaires ... petit florilège :

théière de yixing bas de gamme
Photographie © Jiangtea Ltd
théière de yixing avec gravure coloriée au marqueur
Photographie © Jiangtea Ltd

théière polluée
Photographie © Jiangtea Ltd

Si la remarque est valable pour les théières passées au noir ou au rouge, elle l'est encore plus pour les rehauts "à l'or", très à la mode en Chine. Il ne s'agit bien sûr pas de feuille d'or, car trop cher ( au cours du marché de ce jour, le gramme d'or est à 30,30 € ), et encore moins d'une couverte à l'or, car cette dernière technique nécessiterait une deuxième cuisson, ce qui entrainerait trop de pertes ...

théière avec filet d'or de décoration
Photographie © Jiangtea Ltd
Naturellement, cela s'applique également à la mode des théières de Yixing "à fleurs", que la théière en soit entièrement couverte ou pas ... dans le meilleur des cas, ce ne sera qu'une glaçure ( qui donnera par ailleurs un petit côté brillant dû à la vitrification ), c'est à dire un vrai émail, fait à la main ou posé par décalcomanie ... dans le pire des cas, ce sera un émail dit " à froid ", en réalité des résines et des résines époxy qui contrefont très bien un décor sur couverte, du moins tant que l'on ne voit l'objet qu'en photographie de qualité moyenne.

copie de théière de yixing
Photographie © Ebay Inc

copie de théière de yixing
Photographie © Ebay Inc

Pour conclure, le meilleur moyen de ne pas se tromper est de ne pas se précipiter, de prendre le temps de la réflexion sur l'usage auquel on destine la théière, de comparer le plus longuement possible - y compris dans des boutiques physiques si on le peut - le plus de théières possibles, de prendre un ou des avis extérieurs de personnes qui ne seront pas impliquées, de ne pas se focaliser seulement sur le prix que l'on veut y mettre ou sur le prix auquel on estime l'objet et surtout d'observer longuement la théière retenue à la recherche de défauts ... car le bon sens allié à un peu d'éclairage technique restera votre meilleur allié.

17 juin 2014

Quel culottage ?

théière de Yixing culottage

Sur le net, il est assez simple de trouver de multiples conseils pour le culottage de tout et de n'importe quoi, de la poêle en acier à la crêpière en fonte en passant par celui des divers pots de cuisson en terre ...

Les théières de Yixing n'échappent naturellement pas à cette règle et à l'usage prolongé, il se formera sur ce type de théière une couche odorante. Inutile de répéter ici qu'il faut " toujours " utiliser la même famille de thé pour une même théière pour ne pas risquer de brouiller les infusions à venir.

On trouve donc une multitude de méthodes, chacune avec une multiplicité de variantes, pour culotter une théière de Yixing neuve ... autant le dire tout de suite, découlant du même "modèle", elles marchent toutes plus ou moins bien, à de rares exceptions près, car le seul but du culottage des théières de Yixing est de faire disparaitre un éventuel  " goût de terre " parfois présent avec une théière neuve ...

Commençons par l’exception dont je parlais plus haut, pour l'éliminer au plus vite : une méthode farfelue : frotter sa théière avec des feuilles de thé infusées ... A part peut être teinter un peu la face extérieure de la théière, il n'y aura bien sûr aucun résultat avec cette technique. Si l'on prend la peine d'y réfléchir cinq minutes, on voit d'ailleurs mal comment cela pourrait fonctionner car cela ne marquera pas la théière en profondeur ... et cela sans prendre en compte le fait qu'il risque d'être plus que mal-aisé de vouloir frotter certaines familles de thé plutôt hachées sur la théière ...

Ainsi, la première vraie technique est de faire bouillir la théière dans une casserole avec le thé voulu pendant X heures ( mettre à la place du X un chiffre aléatoire, choisi en fonction de votre thème astral, de la conjonction des planètes, de votre date de naissance ou de ce que vous voudrez, aucune importance, cela tient plus de la superstition que de la science ). Technique certes efficace, mais surtout la plus dangereuse parce que grâce à l’ébullition, la théière et son couvercle vont copieusement se heurter l'un l'autre et vont également heurter le fond métallique de votre casserole ... vous savez ce que dit le proverbe du pot de fer et du pot de terre ... plus la théière est fine et cuite à haute température, plus il y a de risques, c'est pourquoi, pour moi, c'est la technique " brise tout "... bref, à éviter si vous ne voulez pas avoir de belles miettes de théière de Yixing ou si vous ne tenez pas à faire réaliser un Kintsugi avant même de l'avoir mise en service ...

On trouve aussi la technique des infusions multiples : il faut mettre X grammes de thé dans la théière, versez de l'eau chaude et laisser infuser X heures ... il faut renouveler l'opération X fois ... puis on recommence avec encore X grammes de thé et X infusions successives ... là encore, mettre à la place du X un chiffre aléatoire ou propitiatoire ... c'est la technique que j'appellerais " Maison de Thé " car elle va vous faire consommer une quantité considérable de feuilles ... et que ce sera sûrement plus rentable pour eux que pour vous ...

Vient ensuite une technique proche qui se réalise en une infusion concentrée que l'on laisse reposer X heures avant de l'éliminer ... plus rapide que la seconde technique, elle relève de la même approche, avec peut être de l'empressement en plus, et encore, attendre X heures, c'est déjà trop long, il faut être moderne et mettre cette théière à l'usage le plus vite possible voyons ... c'est la technique de " l'homme pressé " ...

Enfin, dans la même lignée, reste la technique " pourquoi attendre " qui consiste tout simplement à réaliser une infusion et à la boire ... bref à mettre la théière en fonction sans attendre ...

Je le répète, toutes ces techniques fonctionnent plus ou moins bien, la plus efficace étant la plus dangereuse et la moins efficace étant la dernière ... viennent se greffer là-dessus divers rites de pré-culottage, comme l'ébouillantage préalable de la théière, le fait de laisser immerger la théière dans de l'eau très chaude pendant X heures ou jours pour la nettoyer d'une éventuelle poussière qui pourrait boucher ses " pores " ou pour préparer la théière en "ouvrant " ses " pores " ...

Naturellement, une théière, même de Yixing, çà n'a pas de pores et donc une éventuelle poussière ne risque pas de lui donner des points noirs, pardon, de boucher ce qui n'existe pas ...

Comment  " fonctionne " la céramique et pourquoi se culotte-t'elle alors ? Tout simplement du fait de sa structure et des liens entre ses composants, que l'on pourrait schématiser ainsi :

ceramic structure

Le schéma est peut être un peu simpliste, mais il va permettre de comprendre aisément le " fonctionnement " de la céramique : la céramique, du plus grossier pot de fleur à la plus fine porcelaine est un matériau à structure cristalline, aux composants multiples, l'argile étant formé de divers oxydes et de silice. La cuisson ou frittage, donc la température plus ou moins élevée, va créer des liens au niveau ionique entre les différents éléments, ainsi que des liens plus " gros " par fusion de la silice c'est-à-dire par une vitrification incomplète pour la terre cuite, plus poussée pour les grès et encore un peu plus complète pour la porcelaine.

C'est ce qui fait que la porosité de la terre cuite est supérieure à celle du grès et que la porosité du grès est supérieure à celle de la porcelaine ... mais cette porosité existe pour ces trois types de céramique du fait de la structure cristalline de l'ensemble et c'est elle, avec la surface irrégulière de la céramique, qui permet le culottage. Autre élément favorisant encore le culottage, l'infime dilatation de la céramique avec la chaleur ( cela ne concerne pas les céramiques dites " techniques " comme les céramiques réfractaires, mais ce n'est pas le sujet ici ) qui va " agrandir " les " espaces " entre les éléments.

En buvant du thé, vous faites de la chimie : L'infusion ( nécessairement chaude ) est en effet un processus d'extraction d'arômes et de principes actifs par dissolution liquide. Votre thé va donc être fait principalement d'eau mais également, en moindre quantité et là encore pour faire court, d'huiles, de composés chimiques divers et de sels minéraux.

La structure d'une théière de Yixing va donc être infiltrée par l'infusion et le séchage de la-dite théière va entrainer l'évaporation de l'eau, laissant huiles, sels minéraux, ..., comme suit :

ceramic structure

ceramic structure

Et ainsi de suite ... chaque infusion va déposer, petit à petit, sels minéraux, principes actifs qui vont s'oxyder au contact de l'oxygène ( ce qui explique la coloration noir / marron que va prendre n'importe quelle théière quel que soit le thé qui y est fait ) et huiles " essentielles " qui vont donner ce lustre, cet aspect brillant à la théière au fil des infusions.

Naturellement, l'infiltration au " cœur " de la théière va prendre du temps et le culottage d'une théière se fait principalement en surface, sur ses bords mêmes, car comme je l'ai dit plus haut, le corps d'une théière est loin d'être aussi lisse que le suggère le toucher ... sortez une loupe et vous verrez de multiples stries et irrégularités ... si, en plus, le potier à fait correctement son travail en affinant les parois internes de la théière, il y a laissé quantité de stries que l'on voit à l’œil nu et qui sont autant de points où sels minéraux, huiles, ..., vont pouvoir s'accrocher ...

Tout ceci pour parler de la dernière méthode de culottage que je connais, qui reproduit ce phénomène " naturel " de culottage de façon intéressante mais que j'appellerais la technique " huile de coude " car elle nécessite un peu plus de travail que les autres :

On met tout d'abord X grammes de thé ( je dirais la quantité de thé qu'il faut pour remplir votre théière ) au fond de la casserole et l'on chauffe ... pas besoin de faire bouillir, 70 à 80 ° Celsius suffisent ... on introduit la théière neuve à culotter sans autre forme de procès avec l'aide d'une pince en bois parce que même si l'eau n'est pas bouillante, il y a toujours moyen de se faire bien mal avec de l'eau à 80 ° ...

Culottage d'une théière en grès de Yixing

On laisse tremper quelques minutes à 70 ou 80 °, pas la peine d'attendre une heure et surtout on garde un feu doux sous la casserole pour garder l'eau chaude sans jamais produire le moindre bouillonnement. On retire ensuite à l'aide de pinces en bois :

Culottage Yixing

A ce stade, pas la peine de rincer la théière ... on fait juste sécher le maximum possible .... s'il y a du soleil, c'est encore mieux, çà accélère le processus de séchage ...

Grès de Yixing culottage

Une fois que l'ensemble est sec, on recommence le processus : on replonge la théière, on la laisse imbiber, on la ressort, on la laisse à nouveau sécher ... et on recommence ... répéter le processus X fois, cette fois-ci en fonction de vos envies, de votre patience, de votre habileté à ne pas laisser choir votre théière parce que vous avez deux mains gauches ou que vous êtes maudit avec les objets fragiles ...

J'ai pu remarquer qu'en général la répétition de cette manœuvre 3 à 5 fois donne de bons résultats ... après, chacun fera comme il voudra ... si vous avez le temps et l'envie de répéter l'opération une dizaine de fois, cela ne fera pas de mal ...

Cette " technique " est à mon sens la meilleure de toutes celles citées ou de leur variantes car facile à mettre en œuvre, tout de même assez économe en thé et se rapprochant le plus d'une répétition du processus " naturel " de culottage ... en résumé, elle est la meilleure non pas parce qu'elle a le plus d'avantages, mais parce qu'elle a surtout le moins d'inconvénients.

En tout état de cause, beaucoup de bruit et de querelles de clochers pour un état plus que transitoire, le véritable culottage d'une théière, la patine qu'elle va prendre, se faisant au fil de infusions que l'on y réalise, et peut être plus encore au fil du souvenir de ces infusions ...

20 juin 2012

Yixing or not Yixing ?

théière en terre

Si " être ou ne pas être " est l'interrogation substantielle de Hamlet, celle de celui qui désire acheter une théière en Yixing et qui n'y connaît pas grand chose en céramique de Yixing ou d'ailleurs est " Est-ce que c'est bien une théière de Yixing ou ce vendeur essaie-t'il de me vendre un accessoire de dinette au cours actuel de l'or ? ".

Interrogation sans fin s'il en est, puisque les cachets remplis de sinogrammes apposés sous l'objet, sous son anse ou sous son couvercle ne signifient nullement qu'ils sont nécessairement fabriqués à Yixing dans la fameuse terre de Yixing ... et quand on connaît le don prononcé des chinois pour copier trait pour trait un Mingqi et réussir à suffisamment le contrefaire pour blouser les tests de thermoluminescence ou à faire de même pour un soi disant vase Ming qui sera revendu pour plusieurs centaines de milliers d'euro, on se doute bien qu'une petite théière en terre brute sera facile à contrefaire ...

Qui plus est, je vois fleurir en ce moment de nombreuses boutiques diverses et variées, et pas seulement sur de sites d'enchères en ligne, qui proposent "d'authentiques" théières "antiques" de Yixing. Rappelons tout d'abord que les chinois et les européens n'ont pas la même notion légale du terme antiquité ... en Europe, une antiquité, c'est un objet de plus de 100 ans d'âge au minimum ... en Chine, il me semble que le terme s’applique légalement pour un objet de plus de 10 ans ... et entre dix ans et un jour, le pas est vite fait ...

N'étant pas expert moi même, je ne soutient pas pouvoir faire la différence entre deux théières et dire avec certitude que celle-ci ou celle-là est dans l'orthodoxie en terme d'antiquité ... et je pense que même un expert peut se faire avoir ... même si certains défauts rédhibitoires sont faciles à percevoir ... par contre, quelques éléments permettent d'éliminer une grande partie des cochonneries vendues comme authentiques, parfois de façon sincère ... car vendre n'est pas forcément synonyme de savoir ...

On se doutera bien, que les "vraies" théières de Yixing, c'est-à-dire fabriquées à Yixing dans la terre de Yixing ne doivent certainement pas être si nombreuses que cela ... où du moins que l'on ne doit pas en trouver dans tous les comptoirs vendant du thé ... Ainsi, d'autres régions en Chine ont une tradition de fabrication de théières sans glaçure ... et Yixing n'est pas le seul endroit en Chine ou l'on produit de la céramique ...

Faire la différence entre une vraie Yixing et une fausse tient plutôt d'un coup d’œil à acquérir, et de nombreuses erreurs que vous allez nécessairement faire avant de vous rapprocher d'une certaine expertise ... on pourrait encore parler de la relation de confiance que l'on peut entretenir avec tel ou tel commerçant, mais ce dernier point est loin d'être une garantie suffisante, là encore ...

Située dans la province du Jiangsu, Yixing est située à 3 heures de route en autobus de Shanghai ... mais à moins de se rendre sur place, dans un atelier-usine de fabrication et d'acheter sur place après avoir comparé, rien ne permet de dire qu'une théière vient bien de Yixing ... sauf à faire confiance au vendeur, là encore ...

Pour construire sa propre expérience, on ne se fiera donc qu'avec circonspection à la personne qui vous vend une chose, quand bien même fût-ce un grand nom ou un grand comptoir ... on pourra prendre les conseils et peut être même l'objet vendu, mais on ne cessera de comparer avec ce que l'on voit ailleurs, surtout si la pièce vendue est bien une théière de Yixing et identifiée comme telle ... Quoi qu'il en soit, il faudra longuement observer et demander conseil à divers endroits avant de se lancer dans son premier achat engageant une somme conséquente ...

Mais on peut tout de même retenir un point de base dans ce qui a été énoncé ci-dessus : les théières de Yixing sont des théières en grès sans glaçure, c'est-à-dire sans couverte ... les théières avec couvertes ne seront donc très majoritairement pas des théières de Yixing, même si certaines théières effectivement produites à Yixing furent, dans un passé très lointain décorées d'une couverte pour répondre au goût de la clientèle.

Mais comment faire la différence entre une théière avec couverte et une théière sans couverte ? La couverte est de couleur différente de la terre qu'elle recouvre, mais à moins de casser la théière, il est parfois difficile de voir la différence, surtout si la couverte recouvre tout le corps de l'objet. On pourra le cas échéant, voir sur une théière neuve si la fine glaçure ne s'est pas enlevée aux points de frottement, en particulier à la jonction entre le couvercle et le corps de la théière, trahissant par là sa présence.

couverte

Sur l'image ci-dessus, on distingue nettement la terre de la couverte / glaçure. La couverte est en général brillante, sauf dans le cas des couvertes par retombées naturelles, comme dans les grès de Bizen.

L'intérieur d'une théière avec couverte sera donc souvent d'une couleur différente de son extérieur, signe qu'une couleur a été appliquée.Toutefois, on notera qu'une couleur peut se faire voir sur certaines théières de Yixing, en jouant avec les diverses couleurs de terre de cette provenance, le vert et le jaune en particulier. Mais une différence dans les tons bruns foncés sera assez significative sur le fait qu'une couverte est présente :

théière chinoise

Il ne faut donc pas de se baser sur la seule différence  de couleur de la terre. Toutefois si la couleur extérieure est différente de la couleur intérieure, c'est qu'il y a une glaçure, comme sur la photographie ci-dessus. Il faut aussi essayer de repérer si l'objet est assez brillant, ce qui trahi la vitrification de la glaçure.

Il ne faut pas perdre de vue que la glaçure n'a pas qu'un rôle décoratif, mais qu'elle sert initialement à imperméabiliser les grès qu'elle recouvre et qui sont poreux ... Ainsi, si la porcelaine est non poreuse, les grès ayant une couverte sans défaut le sont également, ou presque ... et ne sont donc pas de Yixing ...

Pour les grès, il s'en suit un petit phénomène assez intéressant au demeurant : l’absorption de l'eau. En effet, en posant une goutte d'eau sur un grès, cette goutte finira par disparaître assez rapidement, entre 10 à 15 minutes en moyenne, parfois un peu plus ...

terre de yixing

Par contre, sur une couverte, cela risque de prendre beaucoup plus de temps, voire une nuit entière ... la glaçure jouant son rôle d’imperméabilisant.

Difficile de remplir les théières d'un magasin ou de le faire pour les achats sur le net, mais c'est un test infaillible : si c'est aussi imperméable que la porcelaine ou le verre, ce n'est pas du Yixing ... en effet, si on qualifie les théières de Yixing de théières à "mémoire" c'est parce qu'elles absorbent une partie du thé que l'on y infuse ... et donc de l'eau ...

Maintenant, cela peut aussi se voir au toucher : la glaçure donne un toucher lisse, assez soyeux, voire complètement plat, glissant comme pour le verre ... la terre brute accroche un peu, au sens ou, même sur le plus lisses des théières sans couverte, on sent sous la peau un gain très fin, de fines aspérités qu'une glaçure comblerait ... mais encore faut-il pouvoir se former au toucher, ce qui est le plus difficile, j'en convient. Malgré tout, il y a une constante : une bonne théière de Yixing aura un grain très fin au toucher, et une théière bas de gamme vous laissera l'impression d'avoir caressé un pot de fleur ...

Une astuce permettra pourtant de saisir si une glaçure est présente : la différence au toucher entre un intérieur rugueux et un extérieur lisse ... si cette différence est présente, c'est qu'il y a une glaçure.

Pour ce qui est des décors, les théières de Yixing n'en possèdent pas, sauf ceux issus de la gravure et du modelage ... et à part certains rehauts de terre de couleur différente du corps, facilement visibles, il n'y a pas de jeu de coloration. Pourtant on peut voir, de façon épisodique, des théières de Yixing affichant des décors en émail ( donc en glaçure ), reprenant des fleurs et des feuilles ou des symboles divers. Il s'agit là d'une caractéristique de certaines pièces impériales du 18ème siècle, extrêmement rares ... ce qui signifie que si l'on cherche à vous en vendre une, c'est qu'elle est de création récente.

Pour finir, d'une façon générale, il est préférable de commencer par acheter une ou deux théières de moins d'une vingtaine d'euros pour se former le toucher et l’œil, puis de passer dans divers comptoirs connus, comme la Maison des Trois Thés ou Terre de Chine et de cibler une ou deux théières de gamme moyenne, entre 50 et 70 euros pièce ou "un peu" plus, pour pouvoir apprécier la différence avant de se lancer dans l'achat de théières plus onéreuses, là sans limites de prix ...

... Maintenant, un petit Gaiwan ou un grand Zhong rendront d'infimes services pour une somme dérisoire, mais chacun ses goûts, comme toujours ... car l'influence de la terre ou de la porcelaine sur le thé, question souvent centrale pour le buveur, relève d'une autre problématique ...